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Aminata Traoré, la passionaria africaine

L’intellectuelle malienne Aminata Traore est l’une des rares personnalités politiques africaines à s’être opposée à l’intervention militaire de la France au Mali. Écrivaine et militante, elle a été ministre de la Culture et du Tourisme du Mali de 1997 à 2000 sous la présidence d’Alpha oumar Konare. Portrait d’une femme engagée.


Pour que le Mali retrouve son équilibre, il ne faut pas faire la guerre au Djihad mais la guerre au chômage et à la misère



C’est au sein d’une famille malienne modeste, composée de douze enfants, qu’Aminata Traoré voit le jour en 1947 à Bamako. Après des études au Mali, elle poursuit des études universitaires à Caen en France. Elle y décroche un doctorat de 3ème cycle en psychologie sociale et un diplôme de psychopathologie. Elle devient ensuite chercheuse en sciences sociales et enseigne à l’Institut d’ethnosociologie de l’université d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Aminata Traoré a occupé plusieurs postes à responsabilités : directrice des études et des programmes au ministère de la Condition féminine de Côte-d’Ivoire de 1979 à 1988, directrice du PROWWESS-Afrique, un programme régional du PNUD sur l’eau et l’assainissement, de 1988 à 1992. Elle a également travaillé pour plusieurs organisations régionales et internationales. En 1997, l’ancien président malien Alpha Oumar Konaré fait appel à elle pour occuper le poste de ministre de la Culture et du tourisme. Elle exercera cette fonction pendant trois ans. Aminata Traoré démissionne de son poste en 2000 « pour ne plus être tenue à son devoir de réserve. »


Haro sur les donneurs de leçons


Militante altermondialiste, Aminata Traoré dénonce les travers du libéralisme, responsable selon elle du maintien de la pauvreté en Afrique. Pour cette intellectuelle, « les plans et programmes des banquiers internationaux et des grandes puissances du Nord » imposés aux pays africains conduisent à la pauvreté des populations et engendrent les phénomènes de violence ainsi que l’émigration vers l’Europe d’une grande partie d’une jeunesse africaine désabusée. Opposée à ce qu’elle qualifie de néocolonialisme, Aminata Traoré estime notamment que ce que l’on reproche au président Zimbabwéen Robert Mugabé dans la gestion de son pays serait dû en grande partie à la politique menée par l’ancienne puissance coloniale, le Royaume Uni, et au non-respect de ses engagements. Pour la militante malienne, les pays occidentaux pour que le mali retrouve son équilibre, il ne faut pas faire la guerre au djihad mais la guerre au chômage et à la misère « donneurs de leçons » ont leurs propres manquements notamment la guerre contre l’Irak, la crise économique et la politique migratoire.

En 2012, alors que la quasi-totalité des personnalités politiques maliennes soutiennent l’action de la France au Mali, sa voix discordante tombe comme un cheveu dans la soupe. « Les extrêmismes religieux se nourrissent, au Mali comme ailleurs, de la misère humaine. Il ne suffit pas de donner des armes et de l’argent au pays pour le faire sortir de la crise. Pour que le Mali retrouve son équilibre, il ne faut pas faire la guerre au Djihad mais la guerre au chômage et à la misère », déclare-elle. L’ancienne ministre malienne s’était également opposée à l’ « ingérence humiliante » de la France dans la dernière élection présidentielle au Mali.


Une parole qui dérange


La Parole d’Aminata Traoré dérange, selon elle. La militante malienne estime que si les Européens n’ont jamais fait appel à ses services pour envisager l’avenir politique du Mali, « c’est parce qu’ils ont préféré s’entourer de béni-oui-oui ». Ainsi, alors qu’elle devait se rendre en Allemagne et en France en avril 2013, à l’occasion d’une réunion sur le prolongement de l’opération française au Mali, le consulat de France ne lui a pas octroyé un visa alors qu’elle a obtenu le visa allemand. L’affaire a fait réagir les associations altermondialistes qui ont pris fait et cause pour l’intellectuelle africaine. « Mes mots sont mes armes à moi. Je n’ai pas besoin de venir en France pour mener mon combat », a réagi Aminata Traoreé.


Ce combat, Aminata Traoré le mène également à travers les différents ouvrages qu’elle publie. « L’Afrique dans un monde sans frontières » (Actes Sud 1999) ; « Le Viol de l’imaginaire » (Actes-Sud/Fayard, 2001) ; « Lettre au Président des Français à propos de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique en général » (Fayard, 2005) ; « L’Afrique humiliée » sont quelques-uns de ces ouvrages


La rédaction
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