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ENTREVUE CROISEE

Les Elections urbaines, municipales et locales sont-elles nécessaires avant 2016 ?

Arthur sedea Ngamo Zabusu est député national, élu du territoire de Businga, dans la province de l’équateur. Ancien vice-ministre de l’Energie et de l’EPsP de 2007 a? 2012, l’élu de Businga est actuellement rapporteur de la commission des Relations Extérieures de l’Assemblée nationale et président national du Parti Républicain Chrétien (PARC), signataire de la charte de la Majorité présidentielle.


Papy Niango Iz Mushemvula est l’unique député national élu de la ville de Bandundu sur la liste de l’uDPs/Tshisekedi, et rapporteur du groupe parlementaire uDPs et Alliés à l’Assemblée nationale. Il est Avocat au barreau de Kinshasa/Gombe.

La feuille de route du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), l’abbé Apollinaire Malumalu, prévoit l’organisation des élections urbaines, municipales et locales en 2014. Pensez-vous que cela est faisable, au regard de moyens dont dispose cette institution ?

Arthur Sedea : il ne faudrait pas verser dans la passion. La CENI est l’organe technique habilité à organiser les élections dans notre pays. Si elle nous propose cette feuille de route pour les prochaines élections, c’est en tant que technicien. C’est elle qui maitrise le mieux les réalités et la faisabilité de manière purement technique. Nul n’ignore certaines difficultés que connait le pays.. Il y a par exemple la problématique des assemblées provinciales ainsi que du Sénat. Beaucoup disent à tort que ces institutions fonctionnent sans légitimité ni légalité. Mais n’empêche que cette situation crée par moments des frustrations politiques. Pour éviter les frustrations et autres mauvaises interprétations, je proposerai, moi, de commencer par les élections provinciales, pour ensuite aller aux municipales, urbaines et locales, question de mettre tout le monde à l’aise, question également de mettre des équipes pouvant réellement nous aider à booster le développement dans nos provinces.

Papy Niango : Par les moyens, il faut sous-entendre les ressources humaines, matérielles et financières. Et quand on parle de ressources humaines, il ne faut pas voir uniquement les hommes qui animent cette structure ainsi que tous les autres acteurs qui concourent aux élections. Nous devons plutôt nous demander si nous avons des idées claires sur les élections en République démocratique du Congo. C’est là tout le problème.

Moi, j’ai plutôt une approche fondamentaliste : pourquoi les élections avec et par la CENI ? Cette institution concourt-elle réellement à la promotion de la démocratie ? Joue-t-elle effectivement son rôle d’institution d’appui à la démocratie ? C’est ça la préoccupation majeure qui doit animer le peuple congolais, plutôt que passer son temps à se demander si les locales, urbaines et municipales auront effectivement lieu en 2014.

Mais je peux dire que, dans l’approche actuelle, les manœuvres du départ sont déjà mauvaises. Les élections de 2014 sont biaisées à l’avance. Nous avons un sérieux problème de volonté politique qui biaise l’organisation des élections en République démocratique du Congo.

L’Opposition parlementaire a désapprouvé cette feuille de route. Y aura-t-il des conséquences politiques ?

AS : Dans un pays démocratique, l’unanimité n’a jamais été l’objectif. Même dans les pays de vieille démocratie, cela a toujours été ainsi. La CENI nous a proposé une feuille de route, l’Opposition a contesté, c’est leur droit le plus strict, le contraire aurait même été étonnant. Mais comme je l’ai dit, notre technicien en la matière, c’est la CENI. Celle-ci estime que la feuille de route est bien celle qui peut l’aider à accompagner notre jeune démocratie. Il ne faut pas oublier que la démocratie nous appelle aussi au respect des engagements, au respect de la majorité. Si la Majorité adhère à cette feuille de route, il serait tout à fait logique, normal et démocratique que chacun de nous s’y soumette, y compris l’Opposition. C’est la loi de la démocratie. Nous devons apprendre, dans notre jeune démocratie, à grandir et arrêter avec des réunions et r »unions juste pour trouver un compromis. Nous n’aidons pas notre peuple, nous n’aidons pas notre pays.

PN : Il est beaucoup plus important de recadrer les idées forces, plutôt que de poser le problème dans ce sens-là. Je l’ai dit tantôt, il faut se demander pourquoi les élections, pourquoi la CENI, et pourquoi les élections par la CENI. En RDC, nous faisons beaucoup de publicité autour des élections, mais nous taisons le vrai problème. En réalité, les élections en RD Congo deviennent un problème au lieu d’être une solution. Elles nous causent un afflux de médiocrités dont la fraude, la corruption… en lieu et place de la promotion d’une gouvernance démocratique et d’une normalisation de la vie politique. Les élections devraient nous amener la promotion d’une classe politique élitiste et l’appropriation des enjeux démocratiques à la base. Si l’Opposition a désapprouvé cette feuille de route, c’est parce qu’elle a constaté que les conséquences d’une promotion assurée du développement socio-économique ne sont pas garanties, comme en 2006 et en 2011.

Attendre 2016 pour organiser les élections locales, urbaines et municipales, au même moment que les législatives et la présidentielle : est-ce la bonne solution ?

AS : ça dépendra des moyens dont disposera la CENI pour procéder de la sorte. Mais, de ce point de vue, j’émets des réserves. Pourquoi ? Parce que notre population n’a pas encore totalement maîtrisé le système électoral dans notre pays. Surtout que le taux d’analphabétisme est encore élevé en République démocratique du Congo. Soumettre la population à cet exercice, avec beaucoup d’enjeux au même moment, cela aidera-t-il la population à mieux opérer ses choix ? Je ne pense pas.

Je suggère pour moi que nous puissions commencer là où on peut et avancer de manière progressive, question de mettre la population à l’aise pour opérer des choix judicieux pour l’intérêt même de notre pays, au lieu de l’encombrer avec un cycle électoral lourd qui aura plus de conséquences néfastes que bénéfiques pour l’avenir de notre pays. Ne dit-on pas qui trop embrasse mal étreint ? On pourrait commencer par les élections provinciales, puis les sénatoriales, ensuite celles des gouverneurs avant d’aller à une autre étape. Découpler ainsi le cycle électoral serait une bonne chose. ça ne servirait à rien de se précipiter pour avoir des résultats peu constructifs pour le pays, alors que la patience paie toujours un bon salaire.

PN : Je m’adresse aux acteurs qui organisent les élections en République démocratique du Congo. Vous devez savoir qu’on ne peut pas repousser ce scrutin, dès lors que les vrais problèmes ne sont pas réglés. Les principes fondamentaux d’abord. Nous devons être assurés que le vote accouche d’une promotion de gouvernance démocratique et d’une normalisation de la vie politique, avant de le tenir à n’importe quel moment. S’il ne nous donne comme résultats que des guerres, la médiocrité, la fraude, la promotion des anti-valeurs, même si on n’attendait que 2016 pour organiser les locales, urbaines et municipales au même moment que les législatives et la présidentielle, cela ne servirait à rien.


La rédaction
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